Quelques millions de coureurs de par le monde ont disputé et terminé un jour un marathon sans qu’ils ne se sentent pour cela une âme de héros. Et pourtant au lendemain d’une épreuve n’êtes vous pas le héros des collègues de bureau, la fierté d’un père ne reconnaissant plus son fiston tellement il a changé, de la petite amie idolâtrant son chevalier servant, du fiston admiratif devant sa maman marathonienne ? « Il a couru le marathon ! » engendre moult félicitations et suscite envie. Les pancartes jalonnant les parcours de marathons témoignent de cette admiration des proches mais aussi celle d’inconnus : de « maman on t’aime », « vas-y papa » à des « courage Marcel » en passant par des « go France » ou « bravo les champions ». Pour vous ou pas pour vous, vous les prenez comptant. Alors faut-il une dose d’héroïsme pour s’aligner sur les 42,195 km et les terminer ?
Robert (le petit) décrète que le héros est « tout homme digne de l’estime publique par sa force de caractère » et mon vieux Larousse de 6ème estime lui que c’est « celui qui se distingue par des vertus ou des actions extraordinaires »
Force de caractère, nous sommes tous d’accord avec cela : se fixer un jour l’objectif de terminer un marathon, puis s’entraîner des mois pour y parvenir et franchir enfin la ligne d’arrivée en est la preuve . Bel exemple contrecarrant le tout acquis, les zappeurs ventrus de canapé, les accoudeurs de comptoir en zinc, les fumeurs accros frigorifiés sur le trottoir, les aigris et frustrés divers … enfin bref les « zéros » ! Quand à l’action extraordinaire, si cela ne change pas l’ordonnancement de la vie sur cette planète, cela dépasse de beaucoup le niveau ordinaire : volonté, opiniâtreté, persévérance voire courage, oui le marathonien possède un joli lot de qualités extra … ordinaires.
Si le mot héros a souvent été associé à celui de guerre, vous au moins ne ravagez pas la planète. Héros des temps modernes, des temps de paix (ou presque)…oh ! Je sais pertinemment que cela est flatteur et que vous ne vous prendrez pas pour autant au sérieux. Les 2 heures 8 minutes ne sont et ne seront jamais pour vous, et alors ! A chacun SON haut niveau avec un avis partagé de l’écrivain Romain Rolland « le héros est celui qui fait ce qu’il peut ». Avec vous au sein du peloton, je vois, je ressens des choses que je n’imaginais pas il y a quelques temps. Ainsi dans mes quelques courses printanières vécues comme animateur (au micro) tel les marathons de Paris, celui de Sénart ou du très beau Mont St Michel, j’ai assisté à chaque fois à un film dont vous étiez les acteurs. De mon podium plutôt confortablement chaussé dans mes runnings, je vous observe, je vous respire. Ligne d’arrivée franchie, le « je l’ai fait » vous donne le sentiment d’être un héros, n’est ce pas ? Emotions garanties. Scénario identique et tellement différent à la fois. Claude (alias MC Solar) est devenu marathonien à New York, et l’anonyme Suzanne marathonienne au pied de l’archange du Mont St Michel … qui l’aurait cru il y a quelques années ?
Et R. Rolland d’écrire « rouvrons les fenêtres, faisons rentrer l’air libre : respirons le souffle des héros » … Bon OK, il faut s’entraîner quand même, c’est dur d’être un héros, cela se mérite vraiment mais c’est si bon !