Séance shooting photo, une rafale de clics se déclenche accompagnée d’un ordre : « souris » « cheese » « Ouistiti ». J’envoie alors la banane qui donnera la pêche sur la pellicule. En effet il est aisé de constater que dans l’effort le masque concentré du visage donne une expression sévère au personnage. Evitons la réflexion du badaud « Eh bien ce ne sont pas des rigolos ces coureurs !» avec un large sourire, parfois un peu forcé certes, mais qui illuminera la photo du paparazzi. Les exemples affluent par milliers sur les portraits de marathoniens franchissant une ligne d’arrivée : sourire, joie, émotion sur un même cliché. Expo garantie de visages radieux. Le monde du running a bien changé, le fun, la mode et le festif remplacent désormais la performance pure et dure que symbolisait le légendaire Emile Zapotek des années 50 dénommé la « locomotive humaine » aussi célèbre par son palmarès que pour ses grimaces et rictus d’effort. Images peu glamour qu’on appelait « la solitude et souffrance du coureur de fond ».
Au sourire associons le look dans une société où l’image a pris une place prépondérante. Cela tombe bien car il est possible de courir vite tout en étant tendance. Etre fun et branché n’est en rien contradictoire à la volonté de réussir et de se fixer des objectifs. Les équipementiers l’ont bien compris et investissent désormais sur le guerrier des temps modernes, du coureur urbain longeant les murs taggés au trailer des cimes. La branchitude serait un short long, parfois remis par-dessus un collant court, un marcel à la place du maillot d’athlétisme jugé trop « performance », les écouteurs aux oreilles - NB : vous êtes plus d'un coueur sur 2 à courir en musique dans les parcs parisiens – et le smartphone scotché au bras avec ses diverses applications ludiques. Les YUR, Young Urban Runners raffolent de ce « style » (en anglais) jusqu’à ce tester sur des courses. Le côté fun ne pourra que rajeunir nos pelotons. Ouf ! Quant à nous les OUR (avec old cela ne se prononce-t-il pas pareil ?) sachons nous relooker pour rester dj’eun et à madame le style branché Rolland-Garros avec la jupette-culotte ou corsaire intégré ainsi que les lacets à la couleur du tee-shirt ou inversement. Le total look couleur narcissique, oui et alors ! il faut bien de toute façon se les enquiller les 42 bornes ou se faire le tour du Mont-Blanc donc autant se plaire ! Puis franchement entre nous, qui n’a pas admiré un jour sa belle foulée dans le reflet d’une vitrine ?
Poussons encore à l’extrême avec la touche de déguisement pour la course festive entre potes. Cela ne gâchera en rien le résultat final sauf si bien sur vous vous projetez en Nicolas le jardinier avec une brouette. Je fus ainsi le premier coureur « élite » à participer et gagner la fameuse course des Pères Noël d’Issy-les-Moulineaux dans l’anonymat complet (cause déguisement) de même lors du marathon du Médoc partant du beau milieu du peloton loufoqué en costard cravate et lunettes globuleuses puis en baigneur l’année suivante avec masque et tuba , sans palme je précise, à la plus grande joie des enfants « Oh le Monsieur cherche la plage ! » terminant toutefois dans le top 10 mais vainqueur à l’applaudimètre ! Le sacro-saint dossard masquant à lui seul l’accoutrement initial. Compétiteur tu es, compétiteur tu restes, rire et délire en sus.
Enfin finis les animateurs à l’ancienne hurlant lorsque le dossard 712 bat au sprint le 1823 ou annonçant que le charcutier du coin est partenaire de l’épreuve. Place à une cohabitation avec un DJ chaud bouillant, David Guetta, ACDC ou Daft Punk dans le sas du départ ou dans la ligne droite finale, ce sont des frissons garantis ! Attention souriez, vous êtes pris en photo… trop tard c’était un radar, 2 points. Sourire.